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L'ECOLE |
USA
Témoignages de Laurence maman de Joseph et de Jacob
Lorsque, régulièrement,
on me demande : "Mais pourquoi restes-tu vivre ici
(aux Etats-Unis) ?" lorsque l'on
connaît mes difficultés pour ce faire, voici ce que je réponds
invariablement :
"Ici, mon garçon prend un
bus scolaire pour se rendre dans un établissement
scolaire, en compagnie d'enfants
comme lui, avec d'autres enfants qui font comme lui.
Si je rentrais en France - et c'est
au vu de messages comme celui que je cite ci-dessus que je me fais mon
opinion -
mon fils irait dans un lieu scolaire
hébergé dans un hôpital ou une unité psychiatrique,
en taxi accompagné par un adulte".
A tout choisir...
Laurence
*******************
L'intégration scolaire est la règle aux Etats-Unis.
Les enfants vont à l'école
qui est choisie en fonction du district
géographique, et s'il n'y
a pas de programme qui soit adapté à leur cas, il
est toujours possible de décider
avec la commission que l'enfant ira dans
une école "hors district"
(c'est le cas de mon fils, à l'heure actuelle),
jusqu'à ce qu'il y ait un
programme adapté de mis en place, ou bien, jusqu'à
ce que l'enfant soit devenu capable
de mieux s'intégrer dans les programmes
déjà en place.
L'intégration se fait dans
l'école, soit dans la classe générale, soit dans
la classe "collaborative", soit
avec des aménagements supplémentaires pour
l'enfant, en plus ou en lieu de
certains programmes du cursus.
La classe collaborative, est en général
une classe où l'enseignant est un enseignant
spécialisé. Il peut
y avoir des classes avec des auxiliaires personnels pour
un enfant (on les appelle "aides").
Il y a une association parents/professeurs,
et une branche de l'association
est l'association pour l'éducation
spécialisée.
La commission travaille aussi en
collaboration avec l'association des parents/professeurs pour la
prévision des programmes
à mettre en place, et l'ouverture des classes.
L'intégration est le premier
choix, et l'orientation vers une classe
d'environnement plus restreint ne
se fait que si celle-ci n'est pas
possible. Le choix des parents est
assez variable en la matière.
Les thérapeutes (orthophonistes,
kinésithérapeutes, psychomotriciens,
etc...) peuvent intervenir au sein
de l'école. Les écoles sont aménagées en
fonction des besoins des handicaps
moteurs, idem pour les bus scolaires.
J'espère avoir répondu, même un peu sommairement, à votre question.
Cordialement,
Laurence
************************
"j'ai
toujours reçu le sentiment d'être un partenaire à part
entière
de l'évaluation des handicaps et des déficits de mon enfant"
Bonjour à tous,
Je tiens à faire part de mon
témoignage particulier à ce sujet, parce que
j'ai effectivement été
frappée de la différence d'approches entre
professionnels américains
et français, dans le cadre très précis de
l'approche de mon enfant handicapé.
Puisque j'ai eu conjointement l'occasion
de frapper aux portes en France
en 1998 et en Amérique, je peux témoigner
que mon expérience est très
différente dans les deux pays.
Je ne m'autoriserai jamais à
extrapoler ou généraliser à toutes les
personnes qui approcheraient des
enfants handicapés au travers de mon
expérience limitée,
mais je peux dire que les questionnaires que j'ai eu à
remplir pour toutes les évaluations
ont toujours été extrêmement méticuleux
et assez exhaustifs en Amérique,
et je ne me souviens pas d'en avoir rempli
UN SEUL en France, même lors
du bilan orthophonique réclamé par
l'audiologiste qui avait examiné
mon fils sans lui trouver de déficience
auditive.
Partout où je suis passée
en Amérique, la première demande qui est faite au
parent, c'est de communiquer le
fruit de ses observations, et le
professionnel guide et cadre ces
observations dans le sens de son
évaluation, puis présente
une synthèse (cette synthèse a toujours été
communiquée par écrit
et j'ai les copies de toutes les évaluations qui sont
faites, quel que soit le professionnel
qui la rédige).
Je ne dis pas que je n'en aurai pas
obtenu autant en France, si j'avais
poursuivi dans la voie de le faire
diagnostiquer là, puis scolariser en
France. Je dis seulement que malgré
la barrière de la langue que j'ai dû
surmonter, j'ai toujours reçu
le sentiment d'être un partenaire à part
entière de l'évaluation
des handicaps et des déficits de mon enfant, de même
que désormais je suis un
partenaire privilégiée de l'évaluation de ses
progrès et de ses acquisitions,
concourrant par là à l'élaboration des
projets individuels, et participant
à l'accord sur les objectifs à court
terme des thérapies et interventions.
Du coup, il est vrai que je m'aperçois
que je suis poussée à me "former"
pour pouvoir mieux dialoguer avec
les professionnels (difficile parfois de
tout comprendre de ce qui m'est
proposé ainsi qu'à mon fils ou de faire la
part entre mon désir, mes
émotions, mes frustrations, mes propres
difficultés de vie, et la
progression "objective" que l'on peut attendre
d'une éducation spécialisée).
Il arrive nécessairement -
très vite - un moment, où je mesure mes propres limitations
(devenir en quelques heures un
orthophoniste-physiothérapeute-ergothérapeute-diététicien-analyste
comportemental-directeur de projet-avocat-pamphlétaire-coordinateur-secrétaire-documentaliste-chercheur-
éducateur tout en continuant
à faire le chauffeur, les courses, la cuisine,
la lessive, les comptes, le ménage
et surtout, surtout, surtout les câlins).
Cette formation accélérée
ne fait pas de moi quelqu'un qui va devenir
nécessairement arrogant vis-à-vis
des professionnels qui entourent mon
enfant, mais j'espère seulement
que cela me permet d'être plus à la hauteur
de ce qui est souhaitable dans la
collaboration : il y a des professionnels
compétents, et il y en a
qui ne le sont pas.
Si je ne suis pas en mesure de faire
ce genre d'évaluation, je suis nécessairement dépendante
d'un système
qui ne va obligatoirement oeuvrer
dans le sens qu'attend mon enfant.
Tout est une question de savoir pour
qui on travaille. C'est sûr que c'est plus
facile pour moi, de le savoir, moi,
dont la seule hiérarchie est mon fils !
Bien à vous tous,
Laurence
********************
A propos
du "politiquement correct"
et du
peu de personnes handicapées sur les écrans TV français...
.... J'en veux pour preuve cette émission de très grand public, sur les chaînes publiques (est-elle diffusée en France), qui s'intitule "Sesame Street" (La Rue Sésame) ou bien encore, l'émission animée Arthur, l'émission animée "Clifford, le grand chien rouge", etc...
Dans Sesame Street, il y a toujours une séquence qui met en jeu un enfant à un certain stade de son développement.
L'accent est mis sur le développement,
et non pas sur la cause qui fait que l'enfant en est à ce développement
:
résultat, parfois la séquence
met en jeu un nourrisson, parfois un enfant de huit ans trisomique, parfois
un enfant infirme moteur
cérébral de 3 ans,
parfois un bambin très "dégourdi" pour sa taille, etc...
Le spectateur, selon son âge et son intérêt (l'émission vise les 3-7 ans), s'intéresse à l'activité, mais il est habitué à tous les acteurs.
Il ne lui viendra sans aucun doute pas à l'idée de s'étonner de la présence d'un enfant différent dans sa classe, ou d'un enfant appareillé, etc...
Dans la série de Clifford,
il y a un personnage en fauteuil roulant, il participe à toutes
les activités avec les autres enfants. Il y a même un
épisode assez directement
didactique, avec l'histoire d'un chien qui n'a que trois pattes : la chienne
Clio, quand elle voit arriver ce chien dans le
voisinage, entame une campagne d'éloignement
et de peur (elle a peur qu'en jouant à la balle avec lui, elle "attrappe"
sa maladie et qu'elle perde une
patte). C'est le chien lui-même
qui finit par leur expliquer toute l'histoire. Ils deviennent très
amis.
Etc...
Je ne parle bien entendu pas des représentations de toutes les ethnies qui sont systématiques dans toutes les émissions destinées à la jeunesse.
Est-ce que cette "vérification"
a lieu en France ? Et ne pourrait-on veiller à ce que les publications
destinées à la jeunesse mettent en scène
systématiquement toutes les
catégories d'enfants possibles et imaginables (ethnies, handicaps,
différences physiques) ?
Si le recul de la peur est à
ce prix, il est important de mettre en oeuvre le plus de créativité
possible pour élargir les représentations du monde,
dont nous ne percevons qu'une infime
possibilité.
Laurence
*****************
sur la communication des informations et le rôle de partenaire des parents
> Je m'étonne ausi que
des personnes tenues au secret médical communiquent à une
> commission des informations
sans vous demander votre assentiment...
Aux Etats-Unis, nous devons signer
systématiquement un papier de "décharge"
ou d'autorisation de communication
("relâche d'information" = "release" pour
les anglophones), sur lequel il
est explicitement donné de quel type
d'information il s'agit et à
quel type d'organisme ou d'organisation nous
autorisons cette remise d'information.
Le bout de papier que l'on signe
n'a l'air de rien, c'est une sorte de formalité.
Les commissions sont nombreuses
à "oublier" de faire signer ce bout de papier.
Les parents sont toujours informés
par d'autres parents et quand ça "cogne", ça fait mal...
Je serais extrêmement étonnée
qu'en France, le pays-roi du formulaire et de
la bureaucratie, il n'y ait pas
une pareille obligation, je suis intimement
persuadée que les secrétaires
des commissions sont à même de fournir ces
informations...il faudrait leur
poser la question : "Est-ce que j'ai signé
une décharge pour que le
diagnostic de mon fils/ma fille soit signalé devant
ce monsieur/cette dame que je ne
connais ni d'eve ni d'adam ?"
A lire la plupart des témoignages,
j'ai l'impression d'assister à la
description des cas typiques d'abus
de pouvoir. Soit l'on considère que les
parents d'un enfant avec un handicap
sont des partenaires à part entière,
soit on met en place un système
dans lequel tout est fait pour jouer le rôle
du "parent abusif/enfant battu",
dans lequel le rôle de l'enfant battu est
tenu par la famille, ébranlée
par l'impression d'être dépassée par des
événements complexes
à vivre.
Je ne considère pas comme
normal qu'un parent
en tant que tel, se doive de devenir
un tel "spécialiste" de tous les
domaines qui entrent en jeu dans
l'attribution de services éducatifs à un
enfant d'un âge donné
dans le cadre de sa scolarité obligatoire.
Je sais qu'il existe - et sur cette
liste il en est la preuve très
réconfortante - un bon nombre
de professionnels qui sont heureux de faire un
partenariat avec les meilleurs spécialistes
d'un enfant avec un handicap
spécifique, c'est à
dire ses parents, éventuellement même ses frères et
soeurs, de même qu'ils sont
heureux de mettre en place les meilleures
conditions possibles pour un multi-partenariat
avec des intervenants
d'autres secteurs que les secteurs
strictement éducatifs, comme le sont les
transports, et les hôpitaux
ou les services médicaux et para-médicaux, les
différents services sociaux.
Le parent doit pouvoir jouer son rôle de
parent. Il reste le meilleur avocat
de son enfant, et nul n'a le droit moral
de lui dénier ce rôle.
Un bon avocat a-t-il jamais été
humilié, infantilisé, par les différents
intervenants dans un système
judiciaire ? Est-il systématiquement mis à
l'écart des différentes
communications qui touchent à son "client" ou
dossier ? Le met-on en position
de deviner, supputer, inventer les
motivations des différents
intervenants dans le dossier ? Un avocat doit-il
constamment lutter contre la dépression
et les sentiments de rage, typiques
chez l'enfant frustré qui
ne comprend rien à ce qu'on lui impose ?
Si un parent a le sentiment d'être
abusé, il doit rechercher objectivement
de l'aide, parce que je ne connais
pas de situation dans laquelle il y a
abus, où celui qui est en
position d'abusé, peut se sortir tout seul du
cycle (il lui est fait violence,
et il réagit par la violence en général, ou
l'ultra passivité qui est
une forme de violence par l'inertie).
Laurence
***************
Bonjour à tous,
.... je continue de penser que c'est
à nous de faire passer ce
genre de message, et je dis bien
"message" et non information, que nos
enfants sont avant tout des enfants,
avec le souhait de participer à la vie
sociale d'un enfant, ce qui inclura
les goûters, les anniversaires, les
sorties, même si cela nécessite
des aménagements particuliers à chaque
enfant.
Je sais très bien que ce n'est
pas toujours facile d'arriver le sourire aux
lèvres et l'air pimpant quoi
qu'il advienne, qu'il soit advenu et qu'il va
advenir, mais je sais aussi que
je suis la première à avoir du mal à me
forcer à faire un sourire
même poli à une personne dont je ne sais rien de
la vie privée (ce qui se
sera passé le matin même avec sa belle-mère par
exemple ou la veille avec le patron,
etc...) qui me tire une tronche de six
pieds de long, ou qui a l'air d'une
furie surexcitée* ...
[* toute ressemblance avec des personnes
ayant existé ou continuant
d'exister serait pure coincidence
:-)))]
Si je veux que les autres parents
aient un tout petit peu envie de se
"mettre à ma place", ce sera
possible si je me mets "un tout petit peu" à la
leur quand ils me voient.
Mon petit garçon non handicapé
a été invité douze fois l'année passée
pour
chacun des anniversaires des enfants
de sa classe de jardin d'enfants.
Sur ces douze fois, j'ai emmené
onze fois mon fils atteint d'autisme, et il a
participé aux anniversaires,
pratiquement exactement comme les autres.
La douzième fois, c'est moi
qui ai jugé que ce que proposait la maman comme
"spectacle", ne serait pas adapté
à ses comportements, et j'ai demandé à une
autre maman également invitée
de se charger de mon fils cadet, tandis que
j'emmenais mon grand faire du toboggan
et des courses ailleurs.
La plupart des familles qui invitent
mon fils neuro-typique, ont également
des enfants plus grands, soit de
l'âge de mon fils autiste, soit plus âgés.
Tous ont donc pris l'habitude des
"bizarreries" ou spécialités de Joseph, et
naturellement "s'occupent" de lui
avec plaisir, quand on se retrouve : l'un
l'aidera à mettre ses chaussures,
l'autre protégera un plus petit s'il
s'aperçoit qu'il est trop
près de la trajectoire de Joseph qui ne prend pas
garde à lui, chacun s'amusera
à "tester" ses nouvelles compétences, et me
rapportera les progrès qu'il
a constaté avec autant de fierté que s'il en
avait été l'auteur.
Je crois que c'est aussi cela l'intégration.
Laurence