L'ECOLE

USA

Témoignages de Laurence maman de Joseph et de Jacob

Lorsque, régulièrement, on me demande : "Mais pourquoi restes-tu vivre ici
(aux Etats-Unis) ?" lorsque l'on connaît mes difficultés pour ce faire, voici ce que je réponds invariablement :

"Ici, mon garçon prend un bus scolaire pour se rendre dans un établissement
scolaire, en compagnie d'enfants comme lui, avec d'autres enfants qui font comme lui.

Si je rentrais en France - et c'est au vu de messages comme celui que je cite ci-dessus que je me fais mon opinion -
mon fils irait dans un lieu scolaire hébergé dans un hôpital ou une unité psychiatrique, en taxi accompagné par un adulte".

A tout choisir...

Laurence
 

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"L'intégration scolaire est la règle aux Etats-Unis"

L'intégration scolaire est la règle aux Etats-Unis.

Les enfants vont à l'école qui est choisie en fonction du district
géographique, et s'il n'y a pas de programme qui soit adapté à leur cas, il
est toujours possible de décider avec la commission que l'enfant ira dans
une école "hors district" (c'est le cas de mon fils, à l'heure actuelle),
jusqu'à ce qu'il y ait un programme adapté de mis en place, ou bien, jusqu'à
ce que l'enfant soit devenu capable de mieux s'intégrer dans les programmes
déjà en place.

L'intégration se fait dans l'école, soit dans la classe générale, soit dans
la classe "collaborative", soit avec des aménagements supplémentaires pour
l'enfant, en plus ou en lieu de certains programmes du cursus.

La classe collaborative, est en général une classe où l'enseignant est un enseignant
spécialisé. Il peut y avoir des classes avec des auxiliaires personnels pour
un enfant (on les appelle "aides").

Il y a une association parents/professeurs, et une branche de l'association
est l'association pour l'éducation spécialisée.

La commission travaille aussi en collaboration avec l'association des parents/professeurs pour la
prévision des programmes à mettre en place, et l'ouverture des classes.

L'intégration est le premier choix, et l'orientation vers une classe
d'environnement plus restreint ne se fait que si celle-ci n'est pas
possible. Le choix des parents est assez variable en la matière.

Les thérapeutes (orthophonistes, kinésithérapeutes, psychomotriciens,
etc...) peuvent intervenir au sein de l'école. Les écoles sont aménagées en
fonction des besoins des handicaps moteurs, idem pour les bus scolaires.

J'espère avoir répondu, même un peu sommairement, à votre question.

Cordialement,
Laurence
 

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 "j'ai toujours reçu le sentiment d'être un partenaire à part
entière de l'évaluation des handicaps et des déficits de mon enfant"

Bonjour à tous,

Je tiens à faire part de mon témoignage particulier à ce sujet, parce que
j'ai effectivement été frappée de la différence d'approches entre
professionnels américains et français, dans le cadre très précis de
l'approche de mon enfant handicapé. Puisque j'ai eu conjointement l'occasion
de frapper aux portes en France en 1998 et en Amérique, je peux témoigner
que mon expérience est très différente dans les deux pays.

Je ne m'autoriserai jamais à extrapoler ou généraliser à toutes les
personnes qui approcheraient des enfants handicapés au travers de mon
expérience limitée, mais je peux dire que les questionnaires que j'ai eu à
remplir pour toutes les évaluations ont toujours été extrêmement méticuleux
et assez exhaustifs en Amérique, et je ne me souviens pas d'en avoir rempli
UN SEUL en France, même lors du bilan orthophonique réclamé par
l'audiologiste qui avait examiné mon fils sans lui trouver de déficience
auditive.

Partout où je suis passée en Amérique, la première demande qui est faite au
parent, c'est de communiquer le fruit de ses observations, et le
professionnel guide et cadre ces observations dans le sens de son
évaluation, puis présente une synthèse (cette synthèse a toujours été
communiquée par écrit et j'ai les copies de toutes les évaluations qui sont
faites, quel que soit le professionnel qui la rédige).

Je ne dis pas que je n'en aurai pas obtenu autant en France, si j'avais
poursuivi dans la voie de le faire diagnostiquer là, puis scolariser en
France. Je dis seulement que malgré la barrière de la langue que j'ai dû
surmonter, j'ai toujours reçu le sentiment d'être un partenaire à part
entière de l'évaluation des handicaps et des déficits de mon enfant, de même
que désormais je suis un partenaire privilégiée de l'évaluation de ses
progrès et de ses acquisitions, concourrant par là à l'élaboration des
projets individuels, et participant à l'accord sur les objectifs à court
terme des thérapies et interventions.

Du coup, il est vrai que je m'aperçois que je suis poussée à me "former"
pour pouvoir mieux dialoguer avec les professionnels (difficile parfois de
tout comprendre de ce qui m'est proposé ainsi qu'à mon fils ou de faire la
part entre mon désir, mes émotions, mes frustrations, mes propres
difficultés de vie, et la progression "objective" que l'on peut attendre
d'une éducation spécialisée).

Il arrive nécessairement - très vite - un moment, où je mesure mes propres limitations (devenir en quelques heures un
orthophoniste-physiothérapeute-ergothérapeute-diététicien-analyste
comportemental-directeur de projet-avocat-pamphlétaire-coordinateur-secrétaire-documentaliste-chercheur-
éducateur tout en continuant à faire le chauffeur, les courses, la cuisine,
la lessive, les comptes, le ménage et surtout, surtout, surtout les câlins).

Cette formation accélérée ne fait pas de moi quelqu'un qui va devenir
nécessairement arrogant vis-à-vis des professionnels qui entourent mon
enfant, mais j'espère seulement que cela me permet d'être plus à la hauteur
de ce qui est souhaitable dans la collaboration : il y a des professionnels
compétents, et il y en a qui ne le sont pas.

Si je ne suis pas en mesure de faire ce genre d'évaluation, je suis nécessairement dépendante d'un système
qui ne va obligatoirement oeuvrer dans le sens qu'attend mon enfant.

Tout est une question de savoir pour qui on travaille. C'est sûr que c'est plus
facile pour moi, de le savoir, moi, dont la seule hiérarchie est mon fils !

Bien à vous tous,
Laurence
 

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A propos du "politiquement correct"
et du peu de personnes handicapées sur les écrans TV français...

.... J'en veux pour preuve cette émission de très grand public, sur les chaînes publiques (est-elle diffusée en France), qui s'intitule "Sesame Street" (La Rue Sésame) ou bien encore, l'émission animée Arthur, l'émission animée "Clifford, le grand chien rouge", etc...

Dans Sesame Street, il y a toujours une séquence qui met en jeu un enfant à un certain stade de son développement.

L'accent est mis sur le développement, et non pas sur la cause qui fait que l'enfant en est à ce développement :
résultat, parfois la séquence met en jeu un nourrisson, parfois un enfant de huit ans trisomique, parfois un enfant infirme moteur
cérébral de 3 ans, parfois un bambin très "dégourdi" pour sa taille, etc...

Le spectateur, selon son âge et son intérêt (l'émission vise les 3-7 ans), s'intéresse à l'activité, mais il est habitué à tous les acteurs.

Il ne lui viendra sans aucun doute pas à l'idée de s'étonner de la présence d'un enfant différent dans sa classe, ou d'un enfant appareillé, etc...

Dans la série de Clifford, il y a un personnage en fauteuil roulant, il participe à toutes les activités avec les autres enfants. Il y a même un
épisode assez directement didactique, avec l'histoire d'un chien qui n'a que trois pattes : la chienne Clio, quand elle voit arriver ce chien dans le
voisinage, entame une campagne d'éloignement et de peur (elle a peur qu'en jouant à la balle avec lui, elle "attrappe" sa maladie et qu'elle perde une
patte). C'est le chien lui-même qui finit par leur expliquer toute l'histoire. Ils deviennent très amis.

Etc...

Je ne parle bien entendu pas des représentations de toutes les ethnies qui sont systématiques dans toutes les émissions destinées à la jeunesse.

Est-ce que cette  "vérification" a lieu en France ? Et ne pourrait-on veiller à ce que les publications destinées à la jeunesse mettent en scène
systématiquement toutes les catégories d'enfants possibles et imaginables (ethnies, handicaps, différences physiques) ?

Si le recul de la peur est à ce prix, il est important de mettre en oeuvre le plus de créativité possible pour élargir les représentations du monde,
dont nous ne percevons qu'une infime possibilité.

Laurence
 

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sur la communication des informations et le rôle de partenaire des parents






> Je m'étonne ausi que des personnes tenues au secret médical communiquent à une
> commission des informations sans vous demander votre assentiment...

Aux Etats-Unis, nous devons signer systématiquement un papier de "décharge"
ou d'autorisation de communication ("relâche d'information" = "release" pour
les anglophones), sur lequel il est explicitement donné de quel type
d'information il s'agit et à quel type d'organisme ou d'organisation nous
autorisons cette remise d'information.

Le bout de papier que l'on signe n'a l'air de rien, c'est une sorte de formalité.
Les commissions sont nombreuses à "oublier" de faire signer ce bout de papier.
Les parents sont toujours informés par d'autres parents et quand ça "cogne", ça fait mal...

Je serais extrêmement étonnée qu'en France, le pays-roi du formulaire et de
la bureaucratie, il n'y ait pas une pareille obligation, je suis intimement
persuadée que les secrétaires des commissions sont à même de fournir ces
informations...il faudrait leur poser la question : "Est-ce que j'ai signé
une décharge pour que le diagnostic de mon fils/ma fille soit signalé devant
ce monsieur/cette dame que je ne connais ni d'eve ni d'adam ?"

A lire la plupart des témoignages, j'ai l'impression d'assister à la
description des cas typiques d'abus de pouvoir. Soit l'on considère que les
parents d'un enfant avec un handicap sont des partenaires à part entière,
soit on met en place un système dans lequel tout est fait pour jouer le rôle
du "parent abusif/enfant battu", dans lequel le rôle de l'enfant battu est
tenu par la famille, ébranlée par l'impression d'être dépassée par des
événements complexes à vivre.

Je ne considère pas comme normal qu'un parent
en tant que tel, se doive de devenir un tel "spécialiste" de tous les
domaines qui entrent en jeu dans l'attribution de services éducatifs à un
enfant d'un âge donné dans le cadre de sa scolarité obligatoire.

Je sais qu'il existe - et sur cette liste il en est la preuve très
réconfortante - un bon nombre de professionnels qui sont heureux de faire un
partenariat avec les meilleurs spécialistes d'un enfant avec un handicap
spécifique, c'est à dire ses parents, éventuellement même ses frères et
soeurs, de même qu'ils sont heureux de mettre en place les meilleures
conditions possibles pour un multi-partenariat avec des intervenants
d'autres secteurs que les secteurs strictement éducatifs, comme le sont les
transports, et les hôpitaux ou les services médicaux et para-médicaux, les
différents services sociaux. Le parent doit pouvoir jouer son rôle de
parent. Il reste le meilleur avocat de son enfant, et nul n'a le droit moral
de lui dénier ce rôle.

Un bon avocat a-t-il jamais été humilié, infantilisé, par les différents
intervenants dans un système judiciaire ? Est-il systématiquement mis à
l'écart des différentes communications qui touchent à son "client" ou
dossier ? Le met-on en position de deviner, supputer, inventer les
motivations des différents intervenants dans le dossier ? Un avocat doit-il
constamment lutter contre la dépression et les sentiments de rage, typiques
chez l'enfant frustré qui ne comprend rien à ce qu'on lui impose ?

Si un parent a le sentiment d'être abusé, il doit rechercher objectivement
de l'aide, parce que je ne connais pas de situation dans laquelle il y a
abus, où celui qui est en position d'abusé, peut se sortir tout seul du
cycle (il lui est fait violence, et il réagit par la violence en général, ou
l'ultra passivité qui est une forme de violence par l'inertie).

Laurence
 

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"nos enfants sont avant tout des enfants,
avec le souhait de participer à la vie sociale d'un enfant"




Bonjour à tous,

.... je continue de penser que c'est à nous de faire passer ce
genre de message, et je dis bien "message" et non information, que nos
enfants sont avant tout des enfants, avec le souhait de participer à la vie
sociale d'un enfant, ce qui inclura les goûters, les anniversaires, les
sorties, même si cela nécessite des aménagements particuliers à chaque
enfant.

Je sais très bien que ce n'est pas toujours facile d'arriver le sourire aux
lèvres et l'air pimpant quoi qu'il advienne, qu'il soit advenu et qu'il va
advenir, mais je sais aussi que je suis la première à avoir du mal à me
forcer à faire un sourire même poli à une personne dont je ne sais rien de
la vie privée (ce qui se sera passé le matin même avec sa belle-mère par
exemple ou la veille avec le patron, etc...) qui me tire une tronche de six
pieds de long, ou qui a l'air d'une furie surexcitée* ...

[* toute ressemblance avec des personnes ayant existé ou continuant
d'exister serait pure coincidence :-)))]

Si je veux que les autres parents aient un tout petit peu envie de se
"mettre à ma place", ce sera possible si je me mets "un tout petit peu" à la
leur quand ils me voient.

Mon petit garçon non handicapé a été invité douze fois l'année passée pour
chacun des anniversaires des enfants de sa classe de jardin d'enfants.

Sur ces douze fois, j'ai emmené onze fois mon fils atteint d'autisme, et il a
participé aux anniversaires, pratiquement exactement comme les autres.

La douzième fois, c'est moi qui ai jugé que ce que proposait la maman comme
"spectacle", ne serait pas adapté à ses comportements, et j'ai demandé à une
autre maman également invitée de se charger de mon fils cadet, tandis que
j'emmenais mon grand faire du toboggan et des courses ailleurs.

La plupart des familles qui invitent mon fils neuro-typique, ont également
des enfants plus grands, soit de l'âge de mon fils autiste, soit plus âgés.

Tous ont donc pris l'habitude des "bizarreries" ou spécialités de Joseph, et
naturellement "s'occupent" de lui avec plaisir, quand on se retrouve : l'un
l'aidera à mettre ses chaussures, l'autre protégera un plus petit s'il
s'aperçoit qu'il est trop près de la trajectoire de Joseph qui ne prend pas
garde à lui, chacun s'amusera à "tester" ses nouvelles compétences, et me
rapportera les progrès qu'il a constaté avec autant de fierté que s'il en
avait été l'auteur.

Je crois que c'est aussi cela l'intégration.

Laurence